Monday, April 23, 2007

«Valeur travail» contre «référendum anti-Sarkozy»


Une autre campagne commence. Dans chacun des deux camps, on a fait le tri. Quels thèmes faut-il mettre en avant pour battre l'adversaire ? Au QG de l'UMP, on a une certitude : Sarkozy doit continuer à se poser en défenseur de la «valeur travail», en candidat de «la France qui se lève tôt et qui travaille dur».

Au Parti socialiste, on l'attend de pied ferme, sous l'angle du bilan : qu'a fait, pendant cinq ans, l'ex-numéro 2 du gouvernement pour cette France qui travaille ? Ségolène Royal ne va pas se priver de renvoyer au bilan du quinquennat, par exemple à la suppression de l'article de la loi de modernisation sociale («l'amendement Michelin») destiné à freiner les licenciements. Celui qui visite les usines et multiplie les déclarations d'amour aux ouvriers ne s'y était pas opposé, soulignera le PS. Au vagabondage idéologique et aux «convictions changeantes» de Sarkozy, la candidate socialiste opposera son «langage de vérité» et la constance de ses engagements, explique Vincent Peillon, un de ses porte-parole. Le PS a tout à gagner à ce que cette campagne tourne au referendum anti-Sarkozy. En allant chercher des électeurs de Bayrou à Besancenot, en jouant sur les «valeurs humanistes».

«Egalitarisme». L'UMP va s'efforcer de la déplacer sur le terrain de la «crise morale» et de la nécessaire «renaissance» qui permettra d'en finir avec «vingt-cinq ans de pensée unique». Sous la dictée d'Henri Guaino, sa plume gaulliste social, il soulève l'enthousiasme quand il vante, comme il le fit à Nantes le 15 mars, «le travail au sens de l'effort, du mérite, de l'initiative, de la prise de risque, discrédité par l'assistanat, le nivellement, l'égalitarisme». Même succès quand il promet, dans la foulée, la suppression des droits de succession («à quoi sert-il de travailler toute sa vie si c'est pour ne pas pouvoir transmettre à ses enfants le fruit de son travail ?») ou encore quand il s'engage à renforcer le bouclier fiscal «pour que nul ne puisse se voir prélever plus de la moitié de ce qu'il gagne». Ceux qui acclament ces promesses, militants et sympathisants issus de la classe moyenne, n'ont paradoxalement pas grand-chose à en attendre.

Dans l'entourage de Nicolas Sarkozy, on y voit l'éclatante confirmation de la justesse de l'analyse du candidat sur le respect de «la France qui travaille». C'était d'ailleurs le thème de son entrée en campagne sous le patronage revendiqué de Jaurès, lors du congrès du 14 janvier. Supplanté ces dernières semaines par l'identité nationale et les valeurs patriotiques, la valeur travail devrait donc reprendre le dessus.

«Les gens ne veulent pas de l'égalitarisme et de l'assistanat. La richesse de certains chefs d'entreprise ne leur pose pas de problème. Ce qui les gêne, ce n'est pas la fortune de Bill Gates, ce sont les 8 millions de Noël Forgeard», explique un député UMP qui juge son candidat parfaitement en accord avec la thèse du philosophe allemand Sloterdijk, selon qui «la redistribution par l'Etat aurait atteint ses limites».

Le gaulliste social Henri Guaino souligne que la France est selon les économistes «le pays où on s'épanouit le moins au travail». «Découragé par les 35 heures», le travail salarié «ne protège plus de la pauvreté et de la précarité», martèle le candidat UMP . Pendant les quinze jours à venir, il entend bien enfoncer le clou sur ce qu'il présente comme la mesure emblématique d'une gauche archaïque : la gratuité dans les transports pour les RMistes d'Ile-de-France. «La gauche n'a toujours rien compris. Elle persiste et elle signe. Cette bonne conscience ne veut pas voir qu'on enferme de la sorte encore un peu plus nos concitoyens dans l'assistance. [...] Si je ne travaille pas, c'est gratuit. Si je travaille, je paye. Bravo !» s'exclamait Nicolas Sarkozy en meeting, jeudi dernier, à Issy-les-Moulineaux.

«Bêtise». «Je ne veux pas non plus d'une France de l'assistanat, je veux qu'avec chaque droit nouveau il y ait une obligation nouvelle», lui répond Ségolène Royal. Elle revendique la maternité du concept de valeur travail et désapprouve la gratuité dans les transports, que le conseil régional d'Ile-de-France, à majorité PS, vient d'accorder aux RMistes. «C'était une bêtise», confiait hier un membre de son équipe.

Par Alain AUFFRAY