Friday, June 27, 2008

Cosmologie indienne et Occident

Révolution cosmique et Nature divinisée

En Occident, le modèle religieux auquel nous sommes habitués est le monothéisme que l’on rencontre dans le christianisme, le protestantisme, l’islam et le judaïsme. On présente souvent l’hindouisme comme une forme de polythéisme. De tradition, le polythéisme a toujours été désavoué, le christianisme dans ses missionnaires y voit un culte grossier, païen, de divinités obscènes (à cause des représentations de l’union sexuelle).

Les différences sont en réalité assez complexes. Dans la Bible, Dieu est présenté à la fois comme un Dieu créateur et vengeur, dont la colère retombe sur son peuple. Il protège les justes, mail il punit aussi et détruit (le déluge). Ce qui est surtout caractéristique, c’est l’opposition entre le bien et le mal, Dieu et Satan.

Dans l’Hindouisme la représentation du divin est bien plus complexe et ne s’inscrit pas dans la dualité. Le Divin est Un, il est en son essence appelé Brahman, ce que l’on peut traduire par l’Englobant. Brahman est l’Absolu transcendant au monde et le Relatif toujours changeant, comme une seule et même substance à la fois éternelle et toujours en mouvement dans le temps. Ce qui apparaît dans l’hindouisme c’est une représentation personnalisée des pouvoirs du divin, ce sont les devata (noter que le mot français divinité vient du sanskrit devata, de même que le mot Dieu, racine DIV, briller en sanskrit). Au début de la création prédomine Brahma, le créateur, celui dont jaillit toutes choses, quand la création se manifeste, en elle demeure le pouvoir de préservation, Vishnu, à la fin de chaque cycle de création, intervient la puissance de purification qui ramène toutes choses à l’origine, la puissance de destruction de Shiva. Création, conservation et destruction sont toujours à l’œuvre à chaque instant dans le temps. Ils sont appelés dans la philosophie de la Nature dans des termes précis, les trois qualités de la Nature, les guna : satva est le pouvoir créateur, radjas est l’énergie qui maintient, tamas est l’inertie qui détruit. Ce qui est très original dans cette vision, c’est de présenter la puissance de destruction comme faisant partie du divin et surtout, comme partie intégrante de la Manifestation divine. Ce n’est pas du tout l’opposition brutale Dieu/diable. La trimurti, de Brahma-vishnu-shiva, la trinité (le terme tri est un chiffre sanskrit que l’on retrouve) est le divin dans sa totalité. Ensuite, l’hindouisme raffine encore l’analyse en présentant pour chaque attribut du divin une personnalité spécifique. Saraswati est la déesse associée à la sagesse. Laksmi est prospérité etc. La puissance des devata veille au maintient de l’ordre du monde, le dharma. Les trois dieux sur lesquels repose l’ordre du monde sont aussi la dynamique de shakti l’énergie à l’œuvre dans l’univers. Cette énergie est celle de la Nature, elle est féminine, elle est celle de la déesse Mère.

Il y a ainsi un foisonnement de divinités, mais l’indien a parfaitement conscience que toutes figure une même unité du divin. Il ne s’agit pas pour lui d’adorer ou de craindre une idole qu’il opposerait à d’autres. La dévotion suppose simplement une divinité d’élection, l’ishta-deva, qui est un choix affectif de la part du dévot pour se rapporter au divin. D’où l’incroyable tolérance qui a fait que pendant des millénaires, même un matérialiste pouvait très bien donner une conférence devant les marches d’un temple sans en être inquiété. La forme de la divinité est un choix personnel : que ce soit Krishna, un taureau, un éléphant, au fond, cela importe peu. Dans la Bhagavad Gita il est clairement dit : que « ceux qui adorent d’autres divinités, c’est Moi qu’ils adorent ». Toutes les formes de dévotions montent vers le divin unique. Pour un hindou, la tendance à tout intégrer est naturelle. Il voit dans le christianisme le culte d’un avatara particulier, une incarnation du divin. Comme il y en a eu beaucoup d’autres. On remarque cependant que dans les cultures populaires, la préférence va dans la trimurti à Vishnu et Shiva. Vishnu est la puissance qui descend sur terre à chaque fois que l’ordre du monde est menacé, la dernière descente divine (ce que veut dire avatar) est Krishna, elle s’est produite au tout début du Kali-yuga, le cycle actuel dans lequel nous nous trouvons. Shiva est privilégié par les ascètes, car il symbolise la purification spirituelle, il est représenté couvert de cendres.

Ce qui compte, c’est la recherche de la libération spirituelle de l’âme. Le jiva, l’individualité vivante, est pris dans le cycle de souffrance du processus du karma (action et réaction) qui entraîne le cycle des renaissances. La libération de la souffrance est moksha, elle peut se produire sur terre et libère du cycle des renaissances, le samsara.

Les textes sacrés de l’Inde commencent par les quatre Veda, dont le plus ancien, le Rig Veda semble remonter entre 4000 à 6000 ans avant J.C. Leur transmission a toujours été orale. Plus tard sont apparu des commentaires, dont les textes philosophiques des Upanishads qui contienne l’enseignement ésotérique nécessaire pour parvenir à la libération. Le thème central des Upanishads est le Soi, l’âtman. Le mot signifie « le souffle », il est un pronom réfléchi (en grec to auto, le soi-même essentiel chez Platon). Le Soi est le principe spirituel, tant individuel que cosmique. Les upanishads enseignent que le Soi, l’âtman, est identique à l’Englobant, le Brahman, dont émerge tout l’univers y compris les dieux. Le Soi est le Dieu unique, mais vu comme intérieur à toutes choses, et non pas seulement au-delà. Il est le brahman neutre, l’Absolu au-delà de toute qualification, il est parâtman, le Soi suprême. C’est seulement en vertu de l’illusion née de l’ignorance que l’âtman paraît liée au monde transitoire. Il suffit que l’âme prenne conscience de cette identité foncière avec le Soi suprême pour qu’elle soit délivrée.

Dans l’une d’entre elles, le jeune Kakicetas demande à Yama, le dieu du passage de la mort, si l’homme continue à vivre après la mort. Yama lui montre l’insuffisance des pratiques rituelles et lui dit que la seule issue réside dans l’accomplissement suprême par lequel l’âme migrante s’identifie avec le principe spirituel, l’âtman identique au brahman. Les vagues qui s’agitent à la surface de l’eau ne font qu’un avec l’océan silencieux qui est en profondeur. De la surface agitée aux profondeurs immobiles, il s’agit de la même eau.


La relation au temps, temps cyclique et temps linéaire


Le temps marque notre naissance, la durée de notre vie et inscrit la date de notre mort. Il est l’œuvre de la création, de la conservation et de la destruction. Nous voyons que notre corps est de part en part travaillé par le temps. Le monde change et rien n’y demeure Où donc est la permanence ? Faut-il, parce que la condition humaine est temporaire, se laisser aller à penser qu’elle est temporaire ? L’homme qui vit dans le temps peut-il avoir un aperçu de l’éternité ?

Dans la mythologie indienne, la figuration du rapport entre le temps et l’éternité est très développée. Elle explique que la réalité ultime, brahman, est l’Englobant qui contient en lui à la fois un aspect changeant, et un aspect non-changeant, l’éternité de l’Être et la puissance du changement du devenir.

Dans un texte ancien du Rig Veda, dédié au Soi suprême, il est dit qu’à l’origine, l’Un était seul et la Manifestation était repliée en lui. Le temps dormait dans l’Eternité. Le Soi suprême reposait en dehors du temps. Comme le Temps n’était pas encore, il n’y avait ni mort ni immortalité. La création à venir reposait, virtuelle au sein du Soi. Dans la religion védique, il n’y a pas l’opposition brutale bien/mal, le processus du devenir implique création et destruction. Dans la Bhagavad Gita, Krishna dit « je suis le Temps ».

Ce qui est remarquable et étonnant, c’est que le temps est vu alors comme une spirale éternelle qui va de révolution cosmique en révolution cosmique. Ce sont les cycles de la création, les kalpas. Toute existence se trouve dans le Temps, mais le Temps est lui-même la fluctuation d’une Réalité qui ne change pas et dans laquelle toute existence est située de manière intemporelle.

Pour nous en Occident cette manière de voir est archaïque, nous vivons avec une représentation du temps qui est la ligne du passé-présent-futur. Pour nous, le présent est une infime parcelle d’un petit segment de droite. Il n’est rien devant l’infinité du passé et l’infinité du futur. Nous avons tendance à nous reporter dans un futur attendu, ou à regretter un passé agréable et à oublier la valeur du présent.

La perception indienne est très différente, elle se situe à un tout autre niveau. Le Temps est un immense processus qui prend place dans la Nature. Il y a des boucles qui produisent des répétitions qui reviennent dans le présent. Cette représentation amène les hindous à penser que la vie elle aussi est cyclique, donc à penser que la vie est une succession de réincarnations. Le samsara n’a ni début, ni fin. Le seul moyen d’en sortir, c’est d’atteindre la libération, moksha, la délivrance.

La vie sociale permet tout à la fois d’assumer la vie relative. L’homme sera d’abord un étudiant, puis un chef de famille et enfin il se retirera dans la forêt pour se consacrer à la contemplation spirituelle, devenant un ascète. L’ascète accomplit pourra devenir un sage et enseigner aux étudiants à son tour. Chaque chose étant à sa place.

De même la vie cosmique a ses périodes, les kalpa, les jours de brahman, subdivisé en yuga, chacun d’entre eux étant suivi d’une destruction partielle du monde. A chaque fois se produit un retour vers l’Absolu. Au jour de Brahman succède la nuit de brahman d’où naît un nouveau kalpa et ainsi de suite.

L’influence de la religion sur la vie indienne

L’hindouisme s’appuie sur les Ecriture révélée du Veda. Dans le Veda, la vie est socialement organisée en quatre classes, les varnas. Les brahmanes sont la caste des religieux. Les ksatriyas sont les seigneurs, les guerriers, dont la fonction est de protéger la société. Les vaisha sont la caste des commerçant, des artisans et des agriculteurs qui contribuent à la prospérité économique. Enfin, il y a la classe des shudra, les serviteurs des autres classes. Tout en bas de l’échelle, il y a les hors castes, les intouchables, chargés de toutes les besognes impures. L’équilibre ancien des castes a été détruit historiquement. La caste des ksatriya a été décimée lors des invasions musulmanes. La décomposition du système a fait croître les séparations et la masse des intouchables devenus des parias. En vertu de sa tendance syncrétiste l’Inde a toujours produit des formes de religion et a su assimiler les nouvelles. Il faut rappeler que le bouddhisme y est né (mais a complètement disparu d’Inde), ainsi que le jaïnisme. L’Islam et le christianisme y furent introduits par des occupants étrangers. En fait, l’hindouisme continue d’imprégner les modes de vie et de pensée des indiens, quelle que soit leur appartenance religieuse. Sans fondateur unique, ni Eglise organisée à la manière des religions sémitiques, l’hindouisme a admis en son sein toute la diversité des spéculations philosophiques et les expérience s mystiques les plus diverses. Il les reconnaît à titre de différentes voies (point de vue : darshanas). Ce sont autant de visions de la vérité, perçues sous des angles différents et complémentaires. L’hindouisme se donne comme la religion éternelle, sanatana dharma dont le contenu est indéfiniment repris et commenté sous diverses formes. Le dharma est la relation entre Dieu, l’univers et les hommes. Il est le fondement de l’hindouisme, la Loi cosmique qui supporte tout et régit toutes choses. Le mot dharma désigne ainsi à la fois l’ordre cosmique et la règle de vie propre à chaque individu, règle qui est déterminée par l’incarnation présente de chacun.

Nous avons vu que la principale préoccupation de, l’hindou est la délivrance du conditionnement résultant de l’existence terrestre et finalement du cycle interminable des morts et des renaissances auquel le karma nous soumet. Ce sont nos actes et leurs lointaines conséquences qui nous obligent à une nouvelle incarnation. On ne peut parvenir à cette libération que par la connaissance, car l’homme n’est prisonnier que des illusions crées par ses désirs et son ignorance. La connaissance peut aussi être trouvée par la bhakti, la voie de la dévotion, la voie du cœur.

La délivrance est la reconnaissance par l’homme de sa véritable nature, originellement divine. Elle peut-être obtenue dès cette vie, et on parle alors de libéré vivant, jivan-mukta. C’est cette conception du destin qui règle la vie traditionnelle particulièrement du « deux fois né », le brahmane.

Le message de l’Inde et son influence en Occident

Quelles ont été les influences intellectuelles qui ont eu un rôle dans la période contemporaine ?

Il y a un attrait pour l’orient qui est présent dans nos mentalités. Il y a aussi aujourd’hui une connaissance meilleure des autres formes de culture et de religion, plus de contacts et d’interpénétrations des phénomènes religieux.

C’est de l’Inde qu’est venu le bouddhisme dont l’influence intellectuelle est aujourd’hui très considérable, notamment avec l’exil du Dalai-Lama. L’audience du bouddhisme ne cesse de croître et il est entré dans le panthéon des religions officiellement reconnues.

L’hindouisme ne jouit pas de cette reconnaissance sociale en France. Cependant, il est depuis le XIX ème siècle entré sérieusement dans les références philosophiques et son influence s’est largement étendue. La découverte du sanskrit par les linguistes allemands contemporains de Nietzsche, notamment Paul Deussen, a été un grand choc. Une langue qui semble fournir des racines à une grande variété de mots de nos langues européennes (des termes tels que paradis, Dieu, les nombre s deux, trois, quatre, les mot nid, soupe sont sanskrits d’origine !!). Le sanskrit étonne les spécialistes par sa perfection logique. On n’arrive pas à croire à l’époque qu’il soit une langue parlée, tant il semble une langue de logiciens par sa rigueur. Les indianistes font connaître les upanishads, les Veda. Les romantiques, Schopenhauer, Nietzsche seront très frappés par la profondeur et l’incroyable antiquité de ces textes très antérieurs à la philosophie grecque.

Il faut parler d’un renouveau de la culture indienne, car avant les invasions musulmanes, il faut savoir que la Grèce et l’Inde étaient étroitement liées, les invasions ont en fait coupé un lien existant. Certains philosophes grecs ont voyagé en Inde (Héraclite), nous avons des preuves d’une influence indienne très nette dans la pensée grecque.

Le renouveau est celui de Gandhi tout d’abord. Gandhi introduit dans l’action politique la pratique ancienne de l’ahimsa, la non-violence. D’abord en Afrique du Sud, puis pour la libération de l’Inde de la tutelle coloniale des anglais. Il montre au regard du monde qu’il est possible de mener un combat contre l’oppression par des moyens non-violent. Son message de paix s’est répandu à travers le monde et il est devenu une figure exemplaire du XXième siècle. Il est né en 1867 à Porbandor, petite ville de pêcheur et d’armateur sur la mer d’Oman. En 1888 il part en Angleterre où il devient avocat. De 1893 à 1914, il vit en Afrique du Sud où il s’occupe de la condition des immigrés indiens. Il prend conscience de l’importance de la valeur de l’ahimsa et montre un grand souci d’intégrité morale. Il est un réformateur dont le message insiste sur l’idée qu’il est nécessaire de refuser l’obéissance à des lois injustes. La non-violence qu’il enseigne est le refus de rendre le mal pour le mal, tout en résistant à l’injustice. En Inde, cet engagement fait de lui le chef du parti nationaliste en 1916. Il s’opposera de manière efficace à l’impérialisme britannique.

Le message et la technique de la non-violence se sont ensuite répandu partout dans le monde, dont en France avec Lanza del Vasto. personnalisés del Vasto est né en Sicile en 1901. Ses études l’orientent vers le catholicisme. Il pratiqua toutes sortes de métiers avant de s’embarquer en Inde. Sa rencontre en 1937 avec Gandhi fut déterminante. Gandhi lui donne le nom de « shantidas », serviteur de paix. Avec sa femme qu’il surnommait « chanterelle », il fonda en Charente une première communauté, l’Arche, consacrée aux travaux de la terre et à la vie spirituelle. L’Arche migra à plusieurs reprises avant de s’établir à la Borie noble au sur des Cévennes. Si l’Arche est surtout connue pour sa pratique de na non-violence, elle fut et demeure un foyer de travail sur soi dans l’amour des autres et le culte de la Nature. personnalisés del Vasto a beaucoup écrit et sa renommée est importante comme écrivain. Le principe de sa pensée était avec la non-violence, la véracité, le respect de l’autre, la pauvreté et l’obéissance à la règle commune.

Le renouveau de l’influence de l’Inde va se développer aussi à travers quelques figures religieuses et intellectuelle marquantes. Celle de Vivekananda tout d’abord qui fait date lors du congrès de 1893 au parlement des religions à Chicago où il reçut un accueil triomphal. Vivekananda est né en Inde à Calcutta dans une famille aristocratique. Il reçoit une éducation universitaire à l’occidentale. Jeune homme extrêmement brillant, il se proclamait agnostique, bien qu’intéressé par les questions religieuses. A dix sept ans, il rend visite à un très grand mystique, Ramakrishna. Ce fut un coup de foudre qui changea radicalement sa vie. Ramakrishna reconnu immédiatement en lui celui qui allait être son fils spirituel. Déconcerté, Vivekananda, s’éloigna de lui, puis revint et devint son disciple. Après quatre ans de traversée de crises intérieures, Vivekananda revint vers Ramakrishna qui le propulsa dans une expérience intérieure radicale de l’unité. A la mort de Ramakrishna, il devint son successeur désigné. Il se retira d’abord dans les Himalaya puis fonda une mission qu’il structura rapidement devenant un prédicateur rassemblant la sagesse indienne pour la répandre dans le public. Son intervention au parlement des religion lui valu une renommée internationale et il fit de nombreux voyages pour donner des conférences. De là en sortirent des publications qui créèrent un véritable engouement pour la spiritualité indienne. Il était le premier d’une suite considérable d’écrivain à propager le message de la sagesse ancienne de l’Inde.

Il faut aussi mentionner la figure colossale de Shri Aurobindo, contemporain de Gandhi, acteur important de l’indépendance de l’Inde, auteur d’une œuvre littéraire, poétique, philosophique, politique très importante dont le retentissement a été considérable. Aurobindo a été entièrement formé en Occident, mais il a su se réapproprier de manière brillante toute la tradition indienne. Ses écrits en font l’un des plus grand penseur du XX ième siècle. Sa tentative de fondeur une Utopie de synthèse entre la vie matérielle et la vie spirituelle en Inde, près de Pondichéry n’a pas eu le succès escompté, mais son écho dans le monde a été considérable. Auroville existe bel et bien.

Il existe bien d’autres fortes personnalités indiennes qui aujourd’hui continue de jouer un rôle de premier plan, si bien que l’on peut dire que dès l’instant où on évoque la spiritualité vivante, on ne peut pas ne pas faire mention du legs de la tradition indienne.

On peut aussi mentionner parmi les influences indiennes le succès croissant du bouddhisme en Occident. Nous le voyons parfaitement dans le livre Le moine et le philosophe de l’écrivain Jean François Revel, essayiste, romancier et polémiste célèbre et son fils devenu moine au service de la cause du Tibet. Ce livre nous montre que chacun peut très bien choisir sa voie comme il l’entend, sans pour autant suivre un modèle et des traditions familiales. C’est un entretien entre un père et un fils qui voient leur religion différemment. Né en 1946, Mathieu Ricard, après avoir suivi des études scientifiques en biologie moléculaire, passe un doctorat d’Etat. Il adhère à la religion bouddhiste en 1972 et s’installe définitivement en Asie. Là bas, il suit l’enseignement du bouddhisme tibétain auprès des lamas. Il se convertit, devient moine et étudie les textes sacrés. Son père, Jean François Revel est un intellectuel formé à l’occidentale. Il est née en 1924 et se proclame agnostique. Dans cet ouvrage, ils confrontent leur point de vue opposé sur la religion. Mathieu Ricard reste un des nombreux fidèles occidentaux du bouddhisme. On remarque tout au long du livre qu’ils n’essayent nullement de s’influencer l’un l’autre, d’imposer leurs convictions religieuses. Ils respectent chacun le choix de l’autre.

L’esprit de la contestation américaine des années 70 et l’influence de la spiritualité indienne.

Vers la fin des années 60, un phénomène culturel apparaît aux USA et se propage ensuite dans toute l’Europe occidentale. Il se caractérise par une opposition à la culture et à l’idéologie dominante. Ce fut un rejet massif de la société de consommation, du mode de vie à l’occidentale.

Ce que l’on a appelé la beat generation a été très influencé par la culture de l’Inde. Le terme beat que l’on emploie dans la musique, est connoté dans un sens de la recherche d’un état extatique. Cela désigne la recherche d’un état de béatitude et l’ouverture sur un autre monde, à la manière de la vision du moine bouddhiste itinérant. La beat generation fut un mouvement littéraire. Mais plus qu’une écriture et un langage nouveau, la beat generation est une révolte qui appelle une vie de non-violence, de paix, où les hommes auront plus de respect et d’amour.

Ceux qui composaient cette contestation de la société étaient les hippies. Ils provoquaient une profonde crise morale qui, selon eux, ne pouvait trouver d’issue que dans une quête spirituelle radicale, une mutation de la conscience de l’humanité. L’absurdité de l’interminable guerre du Viêt-Nam mobilisa une grande partie de la jeunesse. Le mouvement hippie naquit en Californie et il en naquit une floraison de communauté expérimentale. Il devint une révolte contre la culture postmoderne. Les hippies cherchaient à retrouver une vie simple, dépouillée, en contact avec la Nature.

Les hippies cherchèrent leur inspiration dans des influences indiennes. Celles de Gandhi pour la non-violence. Celle du bouddhisme zen. Celle de la pratique du hatha-yoga et de la méditation pour l’apaisement du corps et de la pensée, la recherche de la sérénité. On vit dans les concerts un engouement pour la musique indienne, avec Ravi Shankar. L’un des Beatles d’ailleurs appris le sitar et l’introduit dans la musique pop, tandis que le groupe entier allait en Inde suivre un stage de méditation auprès d’un maître réputé.

L’époque était à la recherche de la politique de l’extase comme le titre le livre d’un des penseurs de la beat generation Thimoty Leary. On cherche par tous les moyens à « voir Dieu en face ». L’usage des drogues se situait dans cette perspective d’une expansion de la conscience, et non comme c’est le cas aujourd’hui dans une fuite de la réalité. La révolte de la jeunesse américaine contre la société de consommation se répandit en Occident comme une traînée de poudre. Une des conséquences en fut un afflux de pèlerins venus de l’Occident à la recherche des gurus vivants. Cf. Les chemins de Katmandou de Barjavel. Les hippies étaient à la recherche d’une modification de l’esprit, d’un état de contemplation et ils trouvaient dans la philosophie indienne les fondements même de cette représentation. Une relation équilibrée entre l’homme et le cosmos. Les hippies trouvaient dans la religion indienne une liberté de pratique, l’absence de dogme strict et d’Eglise au sens occidental. Ils voulaient un monde sans règle injuste, sans église, ils souhaitaient seulement être en paix avec le monde et avec leur esprit. Cependant, il faut remarquer que si les hippies se retrouvaient dans des principes de l’hindouisme, ils utilisaient des moyens artificiels, les drogues, qui, bien que connus, ne sont pas approuvés dans la pratique du yoga.

documents annexes et présentation :
iconographie indienne, photographies, présentation dansée du Bharatha Natyam.


TPE, travaux personnels encadrés, année 2003

par Chloé Hamelin, Lisa Guerrero et Marie Fisher