Monday, March 31, 2008

Message à la Communauté Internationale


Les récentes élections parlementaires en Iran, ainsi que toutes les précédentes élections qui s’y sont déroulées, n’ont été qu’une mascarade, un carnaval grotesque pour masquer l’incompétence abyssale de gouvernements islamistes successifs depuis 1979. Vingt huit ans déjà que je suis engagé dans un combat pour la laïcité et la démocratie en Iran. Vingt huit ans déjà que j’observe, avec chagrin et désolation, l’inexorable descente de tout un peuple dans les abîmes du désespoir, tant politique qu’économique et social. Tout au long de ces tristes années, j’ai été de ceux, suffisamment chanceux, qui ont pu vivre en liberté. Mais, mon être profond n’a cessé de se sentir enraciné en Iran, dans une terre, une culture, un peuple, une histoire, et un destin.

Mais d’autres n’ont pas eu cette chance. Des millions de mes compatriotes, les deux tiers de la population du pays âgés de moins de trente ans, n’ont connu rien d’autre qu’une oppression théocratique instaurée en Iran avec la prise de contrôle de l’appareil d’Etat iranien par les islamistes et les autres extrémistes, parvenus au pouvoir dans le sillage de l’Ayatollah Khomeiny, depuis bientôt trente ans.

Cette génération, née sous la théocratie, n’a connu ni la prospérité ni la sécurité dont ont bénéficié tant d’autres de ses semblables dans les pays libres, mais seulement la peur et la pauvreté.

Cette génération aspire au changement. L’impatience de cette jeunesse iranienne, de plus en plus frustrée et rebelle face à un régime clérical obsolète s’immisçant dans les moindres recoins de sa vie privée et publique, va croissante. Privée d’opportunités dans son propre pays, elle a été durant trop longtemps témoin de l’ineptie d’un Etat défaillant, détournant sa richesse nationale au profit d’une nébuleuse terroriste régionale ou engloutissant des milliards dans des projets aussi inutiles que dangereux, aux antipodes de nos intérêts vitaux. De plus, dans un monde de plus en plus intégré, cette jeunesse voit ses perspectives d’un avenir meilleur s’éloigner avec l’isolement grandissant de son pays.

Mes compatriotes ne sont pas isolés dans leur désir de changement fondamental. Dans leurs rangs, il y a des militants des Droits de l’Homme; des femmes réduites à la ségrégation sexuelle sous la chape de bêtise d’une théocratie misogyne; des minorités religieuses et des communautés ethniques traitées comme des citoyens de seconde classe; des chercheurs, des enseignants et des intellectuels privés de leur liberté d’expression; des travailleurs spoliés de leurs droits syndicaux; des medias muselés et des journalistes soumis à un chantage permanent.

Cette frustration, cette fureur grandissante, peut néanmoins être canalisée pour devenir une force irrésistible capable de produire le changement désiré en Iran. Ce pays, si ancien et si moderne à la fois dans ses exigences et ses inclinations; si riche de potentialités ne demandant qu’à être libérées; l’Iran des mille et un désirs et promesses, peut, avec l’aide de la communauté internationale, inaugurer une ère nouvelle, pour son peuple et pour ceux de toute la région.

Il ne s’agit pas là d’une révolution violente, non ! Ce dont il est question ici, c’est la volonté collective de tout un peuple, similaire à ce qu’offrirent aux yeux du monde entier l’Inde, la Pologne, l’Afrique du Sud, l’Ukraine, et de nombreux pays de l’ex bloc soviétique. Appelez ceci révolution orange ou de velours, peu importe le terme ! Ce qui importe en revanche, c’est son contenu et son objectif de transition non-violente vers la démocratie.

J’ai quitté mon pays, en 1978, à destination des Etats Unis d’Amérique, afin d’y compléter ma formation de pilote de chasse. Là, j’ai eu l’opportunité de poursuivre mes études universitaires, de former une famille et d’élever mes enfants. Ma vie en Occident, en Amérique et en Europe, m’a profondément imprégné des valeurs de la liberté et de la démocratie. Mais, tout comme nombres de mes compatriotes de part le vaste monde, je reste fondamentalement attaché à ma terre natale et regarde l’horizon avec toujours la même question en tête : quand pourrai-je retrouver mon pays, libre et prospère.

Notre objectif commun n’est rien de moins que la dignité retrouvée pour l’ensemble des iraniens, le respect des Droits de l’Homme, la mise au point de projets adéquats adressant les urgences d’ordre économique et social qui s’amoncellent en Iran, et l’établissement d’un ensemble de relations harmonieux avec nos voisins, l’Occident, et la communauté internationale au sens large, dans un contexte de paix.

Comme symbole d’une volonté nouvelle, le drapeau traditionnel iranien, frappé du Lion et du Soleil, rétabli dans son ancrage culturel et historique, constituera l’emblème, la déclaration visuelle transmise au monde entier que l’Iran est prêt pour une nouvelle ère, celle d’un pays libre, laïque, ouvert et démocratique, doté d’une gouvernance réellement représentative des aspirations des générations présentes et à venir.

C’est pourquoi, je vous invite à me joindre aux côtés d’autres iraniens partageant une même vision et organisés en Iran et à travers le monde, pour mener ce combat. Le changement doit venir. Le changement viendra. C’est à ce changement pour un Iran démocratique tourné vers l’avenir que je reste entièrement dédié.

Reza Pahlavi

Le Figaro
Dimanche 30 Mars 2008