Tuesday, December 04, 2007

L'escroquerie de l'amalgame au mercure - Stephen Barrett, M.D.

Il y a plus d'un demi siècle, l'acteur Orson Welles a fait paniquer son auditoire de la radio en rapportant que des Martiens avaient envahi le New Jersey. Le 23 déc. 1990, le programme CBS-TV 60 Minutes a obtenu un effet semblable en annonçant que des toxines avaient envahi la bouche des américains. Il y avait, toutefois, une grosse différence. La diffusion de Welles était faite avec l'intention de divertir son auditoire. Le programme 60 Minutes, rapporté par un vétéran télé-reporteur, Morley Safer, était fait avec l'intention d'alarmer-de persuader ses spectateurs que le mercure dans les plombages est un poison. C'était le rapport le plus irresponsable d'un sujet de santé à être diffusé sur un réseau de télévision.

Le mercure est un ingrédient de l'amalgame utilisé pour les obturations dentaires ou plombages à l'argent. Les autres ingrédients sont l'argent, l'étin, le cuivre, et le zinc. Lorsque mélangées, ces substances se lient pour former une substance forte et stable. L'instrumentation très sensible peut déceler des fractions milliardiennes de gramme de vapeur de mercure dans la bouche d'une personne ayant des plombages d'amalgame. Toutefois, la quantité minuscule de mercure l'organisme absorbe des amalgames est beaucoup en dessous du taux qui aurait un effet adverse quelconque sur la santé [1-5]. Une revue élaborée publiée en 1993 par le U.S. Department of Health and Human Services a conclut qu'il "y a très peu d'évidence que la santé de la grande majorité de la population soit à risque du à l'amalgame ou que d'enlever les plombages d'amalgame aurait un effet bénéfique sur la santé" [6]

Déclarations douteuses

Malgré ces faits, un groupe petit mais bruyant de dentistes, médecins et une variété d'autres partisans "holistiques" maintiennent que les plombages de mercure-amalgame sont un risque de santé et devraient être remplacés. Le plus grand partisan d'un tel conseil est Hal Huggins, D.D.S., de Colorado Springs, Colorado. Le docteur Huggins a gradué de l'University of Nebraska School of Dentistry en 1962 et a recu une maitrise en science de l'University of Colorado en 1989.

Huggins a dirigé plusieurs séminars pour dentistes sur ses notions au sujet "d'équilibrer la chimie de l'organisme" par des méthodes nutritionnelles. La base de son approche est que plusieurs maladies et conditions peuvent être prévenues ou guéries par la diète seule. En 1975 l'American Dental Association Council on Dental Research a conclu qu'il y avait peu ou pas d'évidence pour appuyer les déclarations diététiques de Huggins.

En 1985 Huggins et son épouse Sharon publièrent un livre, It's All in Your Head, qui combine les théories discréditées de l'équilibre de la chimie de l'organisme avec l'assertion que le mercure dans les plombages d'argent est toxique. Le livre déclare qu'il est devenu intéressé dans le sujet en 1973 quand un dentiste de l'Argentine lui a dit que la leucémie, la maladie d'Hodgkin, les désordres intestinaux et une foule d'autres maladies auraient été guéries par l'enlèvement des amalgames d'argent-mercure. Huggins dit que les résultats du début étaient "sporadiques et non-prédictibles. Au plus 10% des patients ont répondu." Par la suite il déclara que quelques plombages avaient des "courants éléctriques négatifs" et en les enlevant dans la bonne séquence et ajoutant des suppléments diététiques amélioraient les taux de réussite. Depuis, il a continué sa croisade contre l'emploi de l'amalgame et a consacré sa pratique uniquement sur des conseils sur ce sujet.

Un bulletin d'information distribué durant 1985 par le Toxic Element Research Foudation de Huggins déclare que, "Tout le monde réagit à la présence de mercure. . . . Quelque 80% de la population vont voir un changement léger de leur système immunitaire ce qui va se traduire par trois rhumes par hiver au lieu de seulement deux, ou une augmentation de leurs globules blancs de 2000 à 3000 éléments. Chez ceux qui sont sensibles, 20% peuvent voir une baisse soudaine de leur immunocompétence les rendant susceptibles à des maladies auto-immunes, ou avoir une augmentation de leurs globules blancs dans l'ordre de 30,000 ou plus."

Selon Huggins, les individus "sensibles" peuvent développer des problèmes émotionnels (dépression, anxiété, irritabilité), des désordres neurologiques (tics facials, spasmes muscululaires, l'épilepsie, la sclérose en plaques), des problèmes cardio-vasculaires (un rythme cardiaque rapide sans raison, des douleurs thoraciques non identifiées), des maladies du collagène (l'arthrite, la sclérodermie, le lupus érythémateux), des allergies, des problèmes digestifs (ulcères, iléite régionale), et des problèmes immunologiques (qui incluent selon lui la leucémie, la maladie d'Hodgkin, et la mononucléose). Il recommande de remplacer les plombages de mercure par d'autres matériels et de prendre des vitamines et d'autres suppléments pour prévenir des malaises suite à l'enlèvement de l'amalgame.

Tests douteux

Les dentistes contre l'amalgame utilisent typiquement un analyseur de vapeur de mercure pour convaincre les patients que la "détoxification" est nécessaire. Pour employer l'appareil, le dentiste demande au patient de mâcher vigoureusement pour dix minutes,ce qui peut générer des quantités minimes de merucure des plombages. Malgré que cette exposition ne dure que quelques secondes et la majeure partie du mercure sera expiré plutôt qu'être absorbée par l'organisme, les machines donnent une lecture faussement élevée, ce que les anti-amalgamistes interprètent comme dangereuse.

L'analyseur utilisé le plus souvent est un gadget industriel qui multiplie la quantité de mercure qu'il décèle dans un petit échantillon d'air par un facteur de 8,000. Ceci donne une lecture par mêtre cube, un volume beaucoup plus grand que celui de la bouche. La façon appropriée de déterminer l'exposition au mercure est de mesurer les taux dans le sang et l'urine, qui indiquent combien l'organisme a absorbé et excrété. Les analyses scientifiques ont démontré que la quantité de mercure absorbé des plombages est non significative et que les gens avec des plombages excrètent pas plus de mercure que les gens qui n'ont pas de plombages.

Certains anti-amalgamistes font un "patch test" (test par application locale) avec une solution diluée de chlorure de mercure. La rougeur causée à la peau ou un d'un grand nombre de symptômes sont alors mal interprétés comme des signes "d'empoisonnement par le mercure," et le patient est conseillé d'avoir tous ses plombages enlevés.

Les anti-amalgamistes peuvent aussi utiliser un voltmètre pour mesurer les supposées différences dans la conductivité électrique des dents. Un de ces appareils -- "l'Amalgamètre" -- était vendu par Huggins durant le début des années 1980. En 1985, après qu'une autre compagnie a entrepris la vente de l'appareil, le FDA a conclu que l'appareil était mal-étiquetté parce que les renseignements l'accompagnant déclaraient qu'il pouvait être utilisé pour recommander l'enlèvement des plombages. Dans une lettre régulatoire, l'agence a dit

"il n'y a aucune base scientifique pour l'enlèvement des plombages d'amalgame dans le but des remplacer avec d'autres matériels comme décrit dans le feuillet. . . . Nous considérons votre appareil comme étant directement associé avec . . . . un procédé qui pourrait avoir des mauvaises conséquences sur la santé si utilisé pour les buts intentionnels."
L'action de la FDA peut avoir gêné le marché de l'Amalgamètre. Toutefois, elle a eu aucun ou peu d'effet sur l'abus de tels appareils dans les cabinets de dentistes.

Ethique douteuse

Il y a une évidence écrasante que les plombages avec le mercure-amalgame sont sans dangers. Depuis 1905, malgré que des milliards ont été utilisées, moins de cinquante cas d'allergie à l'amalgame ont été rapportés dans la littérature scientifique. En 1986, l'American Dental Association Council on Ethics, Bylaws, and Judicial Affairs a conclu que "l'enlèvement des obturations d'amalgame dans le but prétendu d'enrayer des substances toxiques de l'organisme, quand un tel traitement est fait sur la recommandation du dentiste, est un geste de fraude ou de charlatanisme dans tous les cas à l'exception d'un éventail extrèmement limité." Cette décision a été provoquée en partie par un cas où un dentiste d'Iowa aurait extrait 28 dents chez un patient souffrant de sclérose en plaques. Le dentiste a vu son permis de pratique enlevé pendant 9 mois suivi d'une période de probation de 51 mois.

Enlever des plombages en bon état n'est pas seulement un gaspillage d'argent. Dans certains cas, le résultat est la perte de dents. En 1985 un règlement de $100,000 a été accordé à une femme de 55 ans de Californie chez qui son dentiste aurait enlevé des plombages d'argent. Le dentiste maintenait que les plombages étaient un "handicap" à son gros intestin. En enlevant les plombages de cinq dents, le dentiste lui a causé des dommages aux nerfs ayant nécessité des traitements de canal pour deux dents et l'extraction de deux autres.

Les dentistes "libre de mercure" utilisent habituellement des tactiques de peur pour promouvoir leurs services. Par exemple, une annonce dans un jounal en février 1998 placée par un dentiste du Michigan notait: "Après 10 ans, 85% du mercure peut être perdu. Devrait-on permettre à notre organisme de devenir un dépotoir de déchets toxiques?"

Qu'est est la raison que les anti-amalgamistes agissent ainsi? James R. Berry, editeur associé du journal de l'American Dental Association les caractérise comme suit:

Nous savons que certains d'eux sont sincères, mais confus par la Méthode Scientifique. Ils lisent de la foutaise et l'accptent. D'autres ont des horizons plus claires et n'ont pas d'excuses. Ils voient assez clairement, et ce qu'ils voient c'est une opportunité, colorée en vert. Quand la recherche universelle pour la santé rencontre l'avarice, la collision est bruyante et dangereuse. Les gens sont blessés par ceux dont ils s'attendent jamais d'être victimes.

Les anti-amalgamistes -- avec leur mercuro-mètres . . . seraient des êtres comiques s'ils n'étaient pas si insidieux. Ils s'attaquent à leurs cibles faciles: les personnes sérieusement malades qui cherchent de l'espoir conre une alternative sombre [7]

Recherche douteuse

En 1990, des chercheurs à l'Université de Calgary, au Canada, ont rapporté les résultats d'une expérience dans laquelle ils ont placé des plombages à l'amalgame chez 6 moutons. Dans deux mois, les chercheurs ont maintenu que les moutons avaient perdu beaucoup de leur fonction rénale tandis qu'un groupe contrôle (deux moutons) n'avaient rien perdu. Newsweek, qui a accepté l'étude pour sa valeur nominale, l'a décrit comme première évidence que la quantité de mercure qui est libéré des plombages aboutissant dans l'organisme est endommageable. (Le co-auteur de l'article dans Newsweek est le même qui s'est prononcé contre le traitement de l'eau au fluor plus tôt durant la même année.) Toutefois, les experts en biochimie, toxicologie, chirurgie dentaire, et médecine vétérinaire considèrent l'étude sur les moutons sans valeur.

Une des ces autorités est Robert S. Baratz, D.D.S., Ph.D., M.D., un expert sur les matériels en chirurgie dentaire. Dans une lettre envoyée à 60 Minutes (CBS-TV) deux semaines avant la diffusion du programme, il a noté:

Les chercheurs canadiens ont préparé leur amalgame utilisant une méthode désuète depuis plus de 40 ans. L'amalgam résultant contenait du mercure en excès et était plus moux et par conséquent plus facilement usé par le mâchage, spécialement chez un ruminant comme le mouton.
Les amalgames avaient été placés dans des dents opposantes, pour qu'elles puissent grincer les unes contre les autres. Cela n'a fait qu'augmenter le taux de libération des matériels.
Parce que les digues de caoutchouc n'étaient pas utilisées quand les plombages étaient placés, des particules d'amalgame se trouvaient dans la gueule des moutons et ont pu être avalées.
Les méthodes utilisées pour déceler et calculer la quantité de mercure absorbé n'étaient pas valides.
Malgré que les chercheurs maintenaient que les taux de mercure dans l'organisme augmentaient durant l'étude, ils ne les ont pas mesuré au début de l'étude. Les résultats ont en réalité montré que les animaux aient avalé beaucoup de mercure libre durant le placement des plombages.

Leur maintien de toxicité rénale était basé sur des analyses d'urine qui montrent exactement le contraire de ce qui est connu comme survenant lors d'empoisonnement avec le mercure chez l'homme.

Le docteur Baratz et au moins un autre critique bien informé aussi auraient voulu parler au producteur du programme 60 Minutes, Patti Hassler, avant la diffusion du programme. Mais ils ont rencontré un mur de ciment.

Télévision toxique

Le programme de 60 Minutes sur l'amalgame dentaire, qui était un reportage plus long qu'à l'habitude, était nommé "Poison in your Mouth" (poison dans votre bouche.) Il était parsemé de commentaires d'un représentant de l'American Dental Association avec des déclarations de trois critiques de l'amalgame et quatre patients qui maintenaient avoir été guéris de façon remarquable d'arthrite ou de sclérose en plaques après l'enlèvement de leurs plombages à l'amalgame. La portion du programme la plus émouvante portait sur une femme qui a dit que ses symptômes de sclérose en plaques avaient disparu du soir au lendemain. Le fait que l'arthrite et la sclérose en plaques normalement ont des hauts et des bas n'était pas mentionné durant le programme. Ni non plus le fait que l'enlèvement des plombages augmente temporairement le taux de mercure dans l'organisme, par conséquent la guérison "du soir au lendemain" n'a pas pu être causé par l'enlèvement du mercure.

Le représentant de l'American Dental Association a été questionné par Morley Safer au bureau chef de l'ADA. Il était clair suite à ses questions que le programme était pour être une entreprise de démolissage. Après que l'American Dental News a publé un long article au sujet de l'entrevue, un dentiste à qui rien n'échappe a noté que la photo incluse montrait Morley Safer en train de fumer une cigarette. Oui, l'éditeur répondit-même si le bureau chef de l'ADA a une politique bien évidente de 'non fumeur.'

Après que le programme a été diffusé, j'ai écrit à Don Hewitt, réalisateur exécutif de 60 Minutes, expliquant pourquoi "la guérison du soir au lendemain" était un canular (hoax.) Ma lettre aussi demandait si Morley Safer avait des plombages contenant du mercure et, si oui, il a fait ce qu'il prêchait, les a fait enlever. Le directeur des services de l'auditoire de CBS a répondu: "Notre but n'était pas de condamner les dentistes ou leur emploi de plombages d'amalgame d'argent.. . . .Plutôt, le personnel de 60 MINUTES a fait tout en leur pouvoir d'assurer que notre reportage était équilibré en présentant les deux côtés du sujet."

De façon non surprenante, le programme a déclanché une avalanche de questions aux dentistes et a fait que beaucoup de télé-spectateurs ont cherché à remplacer leurs plombages avec d'autres matériels. Consumer Reports, American Health, Prevention, et beaucoup d'autres bulletins de santé rassuraient leurs lecteurs que l'amalgam est sur. Mais le tort fait par le programme ne peut pas être corrigé. En août, Consumer Reports publia la lettre qui suit:

"Ma mère, qui a été diagnostiquée avec la maladie de Lou Gehrig il y a plus de deux ans, a fait enlever ses plombages immédiatement après le programme. Après avoir dépensé $10,000 et enduré plus de 18 heures de travail dentaire si douloureux qu'elle a même perdu connaissance une fois dans la salle d'attente, sa condition ne s'est pas amélioré. La douleur a été dépassée seulement par la déception monumentale pour elle et sa famille d'avoir vécu un faux espoir."

En 1990, Consumer Reports Books ont publié Health Schemes, Scams, and Frauds, un livre sur le charlatanisme auquel j'ai contribué. Le livre concluait: "Dans l'opinion de CU (Consumers Union), les dentistes qui prétendent traiter des problèmes de santé en arrachant les plombages mettent leurs propres intérêts économiques devant le bien-être de leurs patients. Le faux diagnostic de toxicité par le mercure-amalgame a un potentiel tellement dommageable et démontre un jugement tellement mauvais de la part du pratiquant que CU croit que les dentistes qui font une telle pratique devraient avoir leur permis de pratique révoqué" [8].

Dans les dernières années, Hal Huggins a aussi visé la thérapie de traitement de canal, maintenant qu'il pourrait rendre les gens susceptibles à l'arthrite, la sclérose en plaques, la sclérose latérale amyotrophique, et d'autres maladies auto-immunes. Comme avec les plombages mercure-amalgame, il n'y a pas d'évidence objective que les dents traitées avec traitement de canal ait un effet adverse sur le système immunitaire ou tout autre système ou partie de l'organisme. Le permis de pratique de Huggins a été révoqué en 1996. Durant les procédures de révocation, le juge en droit administratif a conclut: (1) Huggins aurait diagnostiqué une "toxicité au mercure" chez tous les patients qui l'avaient consulté à son cabinet, même certains sans plombages de mercure; (2) il aurait aussi recommandé l'extraction de toutes les dents qui avaient subit un traitement de canal; et (3) les traitements de Huggins étaient une "comédie, illusoire et sans base scientifique."

Pour des renseignements additionnels sur ce sujet, rendez visite à la page Dental Amalgam du site de l'American Dental Association. Les opinions courantes de Huggins sont exposées à Hugnet.


Références

1. Mackert JR. Dental amalgam and mercury. Journal of the American Dental Association 122:54&endash;61, 1991.
2. The mercury in your mouth. Consumer Reports 56:316&endash;319, 1991.
3. Olsson S, Bergman M. Daily dose calculations from measurements of intra-oral mercury vapor. Journal of Dental
Research 71:414&endash;423, 1992.
4. Berglund A. Molin M. Mercury vapor release from dental amalgam in patients with symptoms allegedly caused by
amalgam fillings. European Journal of Oral Science 104:56&endash;63, 1996.
5. Mackert JR. Factors affecting estimation of dental amalgam exposure from measurements of mercury vapor in levels
in intraoral and expired air. Journal of Dental Research 66:1175&endash;1180, 1987.
6. Benson JS and others. Dental Amalgam: A Scientific Review and Recommended Public Health Strategy for
Research, Education and Regulation. Washington, D.C., 1993, US Public Health Service.
7. Berry JR. False hope suffers a setback. ADA News 27(22):4, 1996.
8. Barrett S and the editors of Consumer Reports Books. Health Schemes, Scams, and Frauds. Mount Vernon, N.Y.:
Consumer Reports Books, 1990.