Tuesday, March 17, 2009

L'Iran à l'heure du choix


Enfin ce que tous les démocrates iraniens attendaient vient de se produire : le prince Reza Pahlavi, fils du chah, s'engage et propose une solution au bras de fer qui oppose l'Occident au régime des mollahs. On croirait, à entendre certains, que le seul problème avec l'Iran est celui de la bombe atomique et non pas la nature criminelle et terroriste du régime dont le peuple iranien est la première victime. Entre des négociations interminables toujours vouées à l'échec depuis des années et la guerre, Reza Pahlavi propose "une troisième voie" qu'il faut de toute évidence explorer prioritairement.

Le livre d'entretiens (Iran, l'heure du choix, Denoël, 254 p., 18 euros) qu'il vient de publier est un manifeste aussi percutant dans la condamnation du régime islamique que dans son projet pour l'Iran. Reza Pahlavi souligne avec objectivité les erreurs de son père. Le chah a voulu tout faire trop vite, a gouverné trop seul dans les dernières années de son règne, a refusé l'ouverture politique, et n'a pas contrôlé les abus de la police secrète. Mais il rappelle aussi à ceux qui ont la mémoire courte les progrès immenses accomplis sous la dynastie des Pahlavi dans le domaine de l'éducation, de la modernisation et de l'industrialisation du pays, de la politique sociale, dans le domaine juridique et des droits de la femme...

Il avait 17 ans lorsqu'en janvier 1979 sa famille a dû quitter l'Iran. Trente ans d'exil, de travail, de voyages et de contacts à travers le monde lui ont permis d'acquérir une expérience peu commune et de mesurer tous les enjeux de la politique internationale.

Sur le plan national, les dirigeants du régime islamique, de Khomeiny à Ahmadinejad, sont tous responsables, à ses yeux, d'une régression sans précédent : la misère est partout en Iran, malgré le pétrole ; beaucoup de jeunes gens sombrent dans la drogue et la prostitution ; l'argent est dilapidé au profit d'une mafia et des organisations terroristes ; une répression féroce frappe tous les opposants ; les mollahs font torturer et pendre à tour de bras.

Négocier avec un tel régime, qui veut se doter de l'arme nucléaire, serait une perte de temps dont il serait le seul à profiter : il est allé trop loin pour pouvoir s'arrêter. Pour autant, rien ne serait plus grave que d'appeler au ressentiment et à la vengeance. Reza Pahlavi met en avant son hostilité fondamentale à la peine de mort et ses convictions humanistes héritées des Lumières. Dans l'Iran de demain, déclare-t-il, chacun, sauf les grands responsables des crimes, pourra avoir sa place.

FIER DE SON NOM

Quelle est la légitimité de Reza Pahlavi ? A quel titre s'exprime-t-il ? Sur ce point aussi, il est d'une transparence absolue. S'il est fier de son nom, ses convictions sont démocratiques. Les trois principes auxquels il se réfère sont la démocratie, les droits de l'homme et la laïcité. Il propose un référendum à l'issue duquel le peuple iranien déciderait de la forme de la démocratie : monarchie constitutionnelle ou République. Il est prêt à assumer ses responsabilités dans la première hypothèse, et à servir son pays dans la deuxième.

Reste le point crucial : comment se débarrasser du régime théocratique ? Il ne tombera pas de lui-même, et ce serait une illusion criminelle de croire qu'il peut évoluer. Les bombardements, que certains, même à l'intérieur de l'Iran par désespoir, appellent de leurs voeux, nuiraient au pays, au peuple, serviraient le régime et entraîneraient un chaos dans toute la région. Reza Pahlavi préconise la voie de la désobéissance civile et de la grève générale à l'intérieur de l'Iran, et, sur le plan international, le refus de visas aux dirigeants iraniens ainsi que le gel de leurs avoirs dans les banques. Reza Pahlavi demande aux dirigeants occidentaux, au lieu de faire la guerre à l'Iran, de déclarer la guerre aux dirigeants du régime et de soutenir le soulèvement du peuple iranien.

Le temps presse. Ne négligeons pas l'option qui vient de s'affirmer. Les dirigeants occidentaux auront-ils l'audace de parier sur le peuple iranien : de l'aider à se débarrasser de ce régime infâme pour construire, à la porte de l'Europe, une grande démocratie prête à partager sa culture et ses richesses énergétiques avec tous les démocrates du monde ?

Le Monde
par Chahdortt Djavann (Chahdortt Djavann est écrivaine)