Saturday, June 17, 2006

Reza Pahlavi : «Seule solution à la crise: changer le régime»

Reza Shah II
Le prince héritier d’Iran, Reza Pahlavi, a été invité la semaine dernière au Parlement français pour évoquer avec les députés français la situation en Iran et en particulier la question nucléaire. Pour Reza Pahlavi, qui vit en exil aux Etats-Unis, vouloir négocier avec le régime iranien n’est qu’une «perte de temps» et «la seule solution dont le monde libre dispose, est d’investir dans la démocratie en Iran et cela ne pourra se faire qu’après la chute du régime.»

RFI : Vous avez rencontré, mercredi 7 juin, à leur demande, une quarantaine de députés français à l’Assemblée nationale pour parler notamment de la crise nucléaire iranienne. Quelle était leur principale préoccupation sur ce dossier ?

Reza Pahlavi : Notre rencontre n’était pas limitée au problème nucléaire mais cette question faisait partie des sujets clés dont nous avons discuté. La question centrale en ce qui concerne ce dossier était de savoir s’il y avait un moyen de parvenir à une solution avec l’Iran. Je leur ai expliqué, vu les propositions récentes du groupe 5 + 1 [ndlr : les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne], le régime est face à un scénario perdant-perdant. Car ce régime pour se maintenir a besoin de s’appuyer sur son aile radicale et donc tout recul sur la question nucléaire contribue à son affaiblissement et sa perte. Mais le régime se trouverait aussi dans une position perdante s’il refusait l’offre car la situation économique du pays, déjà faible, s’aggraverait encore plus sous l’effet d’éventuelles sanctions qui pourraient être annoncées. J’ai expliqué aux députés français qu’ils ne devaient pas considérer l’Iran actuel comme un Etat conventionnel. Il ne s’agit pas là d’une dictature classique, mais d’une dictature théocratique qui cherche à exporter une révolution radicale islamique et à faire de ce monde, un monde islamique sans frontière. Le monde actuel est, selon eux, l’antithèse de ce qu’ils souhaitent et tentent de mettre en place. Il n’y a aucune cohabitation possible avec ce régime. Il ne faut pas penser qu’il cherche uniquement une garantie de survie, il est là pour détruire les autres ; c’est une question de temps et c’est vraiment la base réelle de sa stratégie. Il tente de le faire par tous les moyens : le radicalisme islamique, le terrorisme et l’arme nucléaire. Cette dernière servira à maintenir la tension et la confrontation avec l’extérieur à un niveau bas de façon à éviter une guerre conventionnelle avec les grandes puissances. Il pense pouvoir ainsi contrôler la région du golfe Persique par le soutien des groupes radicaux dans différents pays et encercler l’artère vitale du monde libre en matière d’économie et du pétrole. Ce n’est pas leur seul but. L’objectif principal est d’exporter leur révolution et instaurer la loi de Dieu sur terre.

RFI : Qu’avez-vous proposé à vos interlocuteurs?

Reza Pahlavi : Je leur ai dit ce que je n’arrête pas à répéter : la seule solution réelle qui mettrait fin à la fois aux problèmes de prolifération par l’Iran d’armes de destruction massive et contribuerait à freiner le terrorisme et le radicalisme islamiques, l’insécurité politique et la guerre entre Israéliens et Palestiniens passe par la disparition de ce régime. La seule solution dont le monde dispose est d’investir dans la démocratie en Iran. Ce régime doit partir, point final. Et j’ajoute que c’est la volonté de la majorité des Iraniens qui réclament ce changement et ne demandent que de rejoindre le monde libre. Le seul obstacle, c’est justement ce régime. Donc au lieu d’aller chercher des solutions qui n’aboutissent à rien comme des négociations sans fin qui ne font que prolonger le statu quo et faire gagner du temps au régime, il faut soutenir le mouvement démocratique du peuple iranien. C’est le meilleur allié naturel dans la région pour faire disparaître le régime islamique. Cependant une question cruciale se pose : est-ce que l’Iran deviendra démocratique avant que ce régime ne parvienne à se munir de l’arme nucléaire ?

RFI : Mais dans l’état actuel des choses, la communauté internationale cherche la solution à ce conflit dans la négociation avec le régime iranien, et non comme vous le préconisez dans la disparition de ce régime. N’avez-vous pas l’impression que vous n’êtes pas entendu ?

Reza Pahlavi : Je pense que le monde est en train de réaliser que le régime iranien jusque-là n’a fait que mentir, n’a joué que le double-jeu, n’a cherché qu’à gagner du temps ou faire perdre du temps aux autres. La République islamique a besoin de cette nucléarisation : c’est sa seule chance de pouvoir survivre en tant que tel et d’exporter sa révolution. Car elle a déjà perdu en Iran même, et elle cherche sa survie dans la conquête de nouvelles terres. Ce régime n’a aucune intention de cohabiter avec ce monde. Ses animateurs sont des champions du radicalisme et considèrent le monde libre comme leur ennemi numéro 1. Ne soyons pas dupe ; on voit déjà l’ampleur des dégâts provoqués par leurs actions.

RFI : Le président Bush a déclaré que toutes les solutions étaient envisageables pour résoudre le problème du programme nucléaire iranien. Croyez-vous à une attaque militaire contre l’Iran ?

Reza Pahlavi : Ce que j’ai toujours dis c’est qu’une attaque militaire serait non seulement inadmissible mais aussi contre-productive. Vous n’avez pas besoin d’un scénario d’attaque militaire de l’extérieur pour obtenir un changement en Iran. Il suffirait de soutenir sérieusement la dissidence de l’intérieur et les mouvements d’opposition démocratiques de l’extérieur de manière à ce qu’ils puissent mener une campagne de désobéissance civile très vaste à l’échelle nationale dans le but de mettre fin à ce régime. Je ne dis pas que c’est aux gouvernements occidentaux de changer le régime en Iran : ceci est notre affaire à nous, les Iraniens. Les Iraniens en majorité veulent le changement de ce régime et le monde devrait les soutenir. Je vous donne l’exemple de l’Afrique du Sud : l’apartheid a été balayé le jour où on a mis fin au régime qui le soutenait et qui le maintenait en vie. Mandela et ses amis ont bien analysé le fonctionnement du régime pour réclamer au monde des sanctions contre lui. Les mêmes processus étaient en marches pour mettre fin au fascisme et au communisme en Europe. De la même manière, nous aussi nous demandons un soutien fort de la part de la communauté internationale pour mettre fin à cet intégrisme et ce radicalisme contagieux.

RFI : On parle d’un probable rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis. Y croyez-vous ?

Reza Pahlavi : Le régime iranien dès le début n’avait qu’un seul slogan «mort aux Etats-Unis». Il brûle et piétine leur drapeau en les appelant «le grand satan». Et ce n’est pas juste de la propagande : ils y croient vraiment. L’Amérique est le symbole du monde auquel ce régime a déclaré la guerre. Comment voulez-vous que ce régime puisse se réconcilier avec son ennemi mortel ? Cela me parait tout à fait impossible.

RFI : Pensez-vous que l’Iran a le droit d’accéder à la technologie nucléaire sous toutes ses formes ? Civil, militaire ?

Reza Pahlavi : C’est évident en ce qui concerne la technologie. N’oubliez pas que l’Iran avait ce droit avant la révolution et en réalité ce régime qui prétend vouloir défendre le droit de l’Iran à la technologie nucléaire est aujourd’hui la raison même pour laquelle nous avons perdu ce droit. Avant la révolution ces mêmes pays qui aujourd’hui veulent imposer des sanctions contre mon pays, la France, l’Allemagne et les Etats-Unis, étaient en rivalité pour nous vendre au meilleur prix leur technologie nucléaire. L’Iran serait déjà doté d’une trentaine de centrales nucléaires s’il n’y avait pas eu cette révolution. Mais ne confondons pas le droit à la technologie avec le droit à la gâchette surtout quand on connaît les intentions réelles de ce régime qui a besoin de se munir d’une arme atomique.

RFI : Vous demandez donc aux Occidentaux de soutenir l’opposition démocratique iranienne.

Reza Pahlavi : N’oublions pas une chose : le monde libre n’a pas seulement le devoir de défendre les principes essentiels que sont la liberté, l’égalité, la justice et les droits de l’Homme mais il a aussi le devoir d’aider les pays qui en sont privés. Les Iraniens s’interrogent et se demandent si les Occidentaux veulent ces principes et ces valeurs seulement pour eux-mêmes ou si les autres, en l’occurrence nous les Iraniens, nous les méritons aussi ? Je dis aux Occidentaux : si vous ne vous investissez pas avec nous dans notre combat pour la démocratie, c’est qu’en réalité vous n’êtes pas sincères dans vos déclarations de défense de la liberté et des droits de l’Homme. Quand j’entends certains gouvernements parler des liens d’amitié avec l’Iran j’en attends la preuve qui serait un soutien clair à la volonté du peuple d’accéder à la démocratie. Aujourd’hui le maintien de statu quo est la raison pour laquelle notre peuple se trouve toujours emprisonné, torturé, matraqué, terrorisé. Donc je pense que cette solution sera bénéfique non seulement pour les Iraniens, mais aussi pour le monde libre.

RFI : Qu’appelez-vous «l’opposition démocratique» et quel est votre rôle dans ce mouvement ?

Reza Pahlavi : Tout groupe qui a pour principe de base la défense de la liberté, de la démocratie et des droits de l’Homme peut en faire partie. Toute personne qui se munit de cette arme en disant : nous sommes pour une démocratie, laïque bien entendu, basée sur la Déclaration universelle des droits de l’Homme, fait partie de cette opposition démocratique à ce régime. Je pense aujourd’hui que tous les mouvements politiques et idéologiques dans leur diversité peuvent s’associer pour réaliser ce but commun. La porte reste ouverte à tous ceux qui adoptent ces principes et sans vouloir imposer au préalable une solution, acceptent les règles du jeu et se soumettent finalement à la volonté du peuple.

RFI : Et votre rôle ?

Reza Pahlavi : C’est un rôle fédérateur. Mon rôle a toujours été d’adopter une position nationale dans le sens de faciliter le rapprochement des forces politiques dans le but commun que je viens de décrire. Je pense qu’avant même que l’Iran soit libre et que le peuple d’Iran soit en position d’assumer sa souveraineté et de pouvoir librement décider de son futur, aucune question secondaire ne devrait devenir l’élément prioritaire. La seule priorité actuelle est de songer à la libération de notre pays, à l’institutionnalisation d’une démocratie laïque et de mettre un terme à ce régime théocratique. C’est ça notre but commun et le consensus national doit dépasser les clivages idéologique et politique. L’antithèse de la République islamique c’est la démocratie avec la participation de tous les groupes qui partagent les valeurs de base que je viens d’énumérer. J’ai la conviction que le message que nous délivrons est exactement la volonté et l’espérance du peuple iranien. Par ailleurs, j’ai le sentiment que nombreux sont les responsables politiques occidentaux qui commencent à mieux comprendre le fond du problème et s’interrogent sur leur politique actuelle à l’égard du régime. Ils cherchent donc une meilleure solution. Elle consiste, à notre avis, à engager un dialogue sérieux avec l’opposition démocratique. Le monde peut avoir des options qui pour nous ne sont pas acceptables comme par exemple une intervention militaire. Ce dialogue nous permettra de leur expliquer notre vision et de démontrer que l’alternative commence à prendre une ampleur beaucoup plus vaste et concrète. Elle comprend les opposants de l’intérieur, l’opposition démocratique de l’extérieur et entend mener des actions concrètes et efficaces pour l’établissement de la démocratie en Iran. C’est de cette façon que nous reconnaîtrons les amis de l’Iran.

Propos recueillis par Darya Kianpour

Article publié le 14/06/2006